Créer un site internet

La Malle aux Rimes (poésie)

SOMMAIRE

 

 


Suresnes bas 1984

 

GHETTO

 

 

 

 

 


Main femme cafe

 

MAIN-TENANCE

 

 

 

 

 

 


Arbre miroir

 

DE L'AUTRE CÔTÉ

 

 

 

 

 

 


Champ de ble

 

 

 

LE SOUFFLE PASSE

 

 

 

 

 


Appropriation

 

 

 

L'APPROPRIATION

 

 

 

 

 

 


GHETTO

A André Dhôtel.

L'avenue sinueuse a l'air de se perdre dans ces cités maussades. Mes pas ne sonnent plus sur le bitume mouillé. Les nuages déchirés laissent filtrer un peu de lumière. La brise semble venir de loin.

A gauche, dans un renfoncement, entre deux grandes barres d’HLM, un café, un petit café vieillot : L'Auvergnat.

Je suis perdu au milieu de ces rues où cohabitent biffins et chômeurs, de ces avenues, de ces places qui portent le nom de camarades disparus.

Je suis perdu. Sur la chaussée lézardée, deux motards bruyants passent à vive allure. Puis d'un seul coup, c'est le calme de l'orage.

Je pousse la porte noircie, j'entre lentement, une musique bizarre m'envahit : c'est un café arabe.

Je suis perdu : marcheur étrange dans les marchés étrangers. Je déambule au milieu des balayeuses mécaniques. Des bouts de choux, des poires, des ordures disparaissent sous l’œil malicieux du gardien de la paix.

Citroen nanterre

Zone industrielle : de temps en temps une poubelle grise, toujours des murs de briques rouges, du ciment, des épaves de frigos, de télés ou même de voitures.

De temps en temps, une personne, un visage, une histoire que l'on oublie.

Je suis perdu en haut de la tour : sur des lieues, pas un chemin, pas un confluent boisé.

Je cours au milieu des entrepôts vides, des voies ferrées mouillées. Je trébuche, des rats s'enfuient d'une poubelle à l'odeur pestilentielle. Plus loin, un kiosque à journaux sans journaux : le monde n'est pas parvenu jusqu'ici. Là-haut, des vitres cassées, des rideaux déchirés pendent lamentablement, déparant les façades qui avaient été trop blanches.

Un plan, même piqueté, une carte, un passant s'arrêtant : n'importe quoi, n'importe qui, pourvu que je retrouve la sortie. La sortie ? Mais y a-t-il une sortie ?

Je suis perdu, je ne retrouve pas dans ma mémoire l'image de l'entrée. Je ne suis peut-être jamais entré. Je ne sortirai sûrement jamais !

Je suis sauvé !

Je vois, un peu plus loin, un panneau indicateur. Il y a sûrement le nom de l'endroit où je suis. Je m'approche, rasséréné, un faible sourire aux lèvres.

D'une voix calme, je lis : « Commune d'ENFER : son ambiance chaleureuse, son esprit acéré, ses mines de charbons ardents »...

Achevé à Nanterre, le 20 février 1996

MAIN-TENANCE

Il n’y a pas de saison

Pour vivre sa maison

Il n’y a pas de raison

Pour aimer sa maison

Gentil paysage

Pas toujours sage

Blanche aurore

   Charmes et sorts     

                   Main femme cafe                        

 

Demain, continuer la route

Quoi qu’il en coûte

A l’avenir, poursuivre son chemin

En cherchant sa main

 

 

 

Saint Pierre de Maillé, le 5 août 2012

DE L'AUTRE CÔTÉ

Dans le champ, le blé respire le soleil

Au bord de la rivière, la fille sourit

Je suis présent au monde

Vu de la colline, le village dort d’un œil

Le long du chemin, la forêt est belle et inquiétante

Je suis passé de l’autre côté du miroir

Arbre miroir

 

 

 

Saint Phèle, le 6 août 2016

LE SOUFFLE PASSE

Champ de ble

Accepte ce souffle comme une caresse

Les branches se tendent

La vallée résonne

Jour

Reçois ce souffle comme un don ultime

Les arbres se cabrent

La colline te colle

Jour

Admet ce souffle comme le principe

De Mardelle à Mazaire

Des Cotets à Saint Phêle

Toujours

Nanterre, le 23 juillet 2015

 

 

 

L’APPROPRIATION

 

 

Machinalement, il coupa le contact...

Il pouvait voir, à travers la vitre embuée, une grande cour pavée cernée par des arbres noirs qui tendaient vers le ciel leurs atroces moignons.

Arbres ecole

« C’est une école. » constata-t-il, « Une vieille école avec ses murs suintants et ses livres jaunis ! ». Il sortit de sa voiture, ou plutôt du tas de ferraille bringuebalant qui ressemblait un peu à une voiture. Le contact de la poignée le surprit, c’était intensément froid. Il pensa pendant quelques instants que la vie n’était faite que de sensations extrêmes : c’était la taloche du père ou le baiser de la jeune fille.

« CAFE DU LYCEE » : c’était l’enseigne de l’unique bistrot del’endroit ; elle était ébréchée, les rideaux étaient sales, mais le tout avait un air sympathique. D’une main lasse, il poussa la porte du petit café. Il devait être sept heures. Cette impression fut confirmée par la pendule électrique ringarde offerte gracieusement par la marque KAOUA. Le patron, endormi sur son comptoir, rêvait à ce qu’il avait été et à ce qu’il pourrait être.

Jones, le cigare au bec, attendait son associée, ou du moins l’individu qu’il continuait à appeler son associé.

- Quel médiocre ce Larry. » se disait-il avec satisfaction, « A lui le boulot, à moi le fric ! »

Tout à coup, la porte fut ouverte sans ménagement. Il fut surprit, c’était Larry.

- Frappe quand tu rentres, abruti ! Ta mère ne pouvait pas faire le trottoir et t’apprendre les règles élémentaires de la politesse. Pauvre femme. » lança Jones avec brutalité.

- Je viens prendre ma part. » commença par dire le dénommé Larry en braquant un gros calibre sur son associé. Soudainement, l’arme cracha le projectile meurtrier ! Jones s’écroula, il eut un dernier sursaut et... se réveilla debout derrière son comptoir. Un peu ahuri, le cafetier dit : « Larry, tu veux boire quelque chose ? » L’homme qui était entré répondit qu’il ne s’appelait pas Larry mais qu’il voulait bien boire un petit café.

La machine, rongée en permanence par un feu intérieur, émit le sifflement caractéristique.

Le jour s’était levé pour de bon, la lumière diffuse des lampadaires fatigués s’était éteinte. Le café, peu à peu, se remplissait, c’étaient les gens du matin : des ouvriers échappés de leur lit, des professeurs assez distingués et d’autres personnes inclassables, indéfinissables.

- Quelle misère de faire lever ce monde-là. Ils sont tous assassins ces victimes, depuis l’école jusqu’à l’hospice, ils sont tous complices ! » pensa-t-il. Il y avait dans certaines mains ou dans certaines poches des journaux soigneusement pliés. C’étaient les journaux du matin qu’il trouvait semblables à ceux de la veille ou à ceux du lendemain. Il s’aperçut bien vite que personne n’osait se plonger dans leur lecture. C’étaient des p’tits blancs, des petits cafés bien serrés, des bonjours amicaux ou hypocrites. C’étaient aussi le déplacement imperceptible mais obsédant de la grande aiguille argentée. Et il y avait sur la plupart des visages une pâleur mortelle qui disparaissait progressivement. Enfin, les bouches s’ouvraient, plus ou moins fréquemment pour animer le quotidien ; certains tentaient parfois de se l’expliquer.

Les aiguilles cyniques avaient poursuivi leur rotation, la sonnerie du lycée avait retenti et les ouvriers étaient partis. Il était resté seul ou presque, assis sur la banquette verte. Il avait beaucoup réfléchi en voyant son reflet dans la limonade. Les zigzags du néon sale attiraient irrésistiblement son regard : il pensait aux fourmis noyées, aux cigales gelées et aux Africains affamés.

Bientôt, le troquet s’anima. Des jeunes gens arrivèrent ; ils étaient confiants, splendides, dérisoires dans leurs habits follement (/faussement) gais. Et tout ça partait dans l’espace informatique en mettant quelques balles dans le « Kosmos Invaders ». Dix minutes plus tard un vieux jeune, portant un pantalon de velours marron et un blouson de cuir qu’il avait dû voler en 68, arriva. Il dit à l’intention des lycéens « Vous n’avez pas envie d’assister à mon cours et bien... moi non plus ! », se reprenant, il ajouta « Mais ne recommencez pas. » Sur ces fortes paroles, il s’affala sur le comptoir, commanda un demi et entama une conversation impromptue avec Albert. « Ils ont bien raison de ne pas aller à l’école. » se dit sans trop réfléchir l’homme toujours assis sur sa banquette verte. « Mais je n’aime pas leurs manières. » conclua-t-il sans réfléchir beaucoup plus.

Les lycéens et leur drôle de prof s’étaient évaporés, laissant derrière eux leurs mégots, deux ou trois paquets de cigarettes vides et quelques miettes d’illusions. Ceux qui entraient maintenant devaient appartenir à une tribu ou plutôt à une armée. Ils étaient tous vêtus de la même façon, ils avaient tous le même uniforme rigoureusement impeccable. Au bout d’un certain temps, il se rappela l’expression servant à désigner ces étranges mercenaires : « jeunes cadres dynamiques ». Et il les voyait qui se détendaient en rusant, qui réfléchissait sur la manière de s’amuser tout en calculant leur feuille d’impôts. « Et moi où suis-je dans tout ça ? » se demandait-il en admirant la parade désordonnée de ces barbares civilisées.

Le carreau sale donnant sur le trottoir se couvrait peu à peu de buée. Le jour d’octobre prenait des teintes orangées ; des nuages fins traversaient cérémonieusement le ciel, quelques étoiles apparaissaient et Alfred avait encore trouvé une « victime ».

Alfred discuta quelque temps avec lui, il empestait le pastaga et son nez n’avait jamais semblé aussi crochu. Il lui parla des questions fondamentales, de sa vie d’artiste et lui posa quelques questions sur la sienne. Il lui dit qu’il écrivait ; il ne sut pas quoi au juste car l’illustre auteur s’était endormi. Nous étions les derniers clients ; je pensais avec tristesse, mais je me sentais mieux que ce matin. Je payais (une note assez corsée) et je saluais le patron qui me répondit aimablement « Salut mon vieux Larry ! »

Une fois sorti de ce lieu mal famé, je pus constater en fouillant dans ma poche que cette dernière ne contenait plus une seule cigarette. J’allais en demander à quelqu’un quand je m’aperçus que tous les gens m’évitaient. Il fallait donc que je trouve un passant qui ne me prenne pas pour un pochard. Cette recherche me semblait bien longue. Enfin, je vis un petit gars qui avait l’air sympa. Je m’approchais de lui avec précaution, perdu dans ses pensées il ne semblait pas s’être aperçu de ma présence. Brusquement, je lui dis « T’as pas une cigarette s’il te plaît ? ». L’effet fut immédiat, il sursauta vivement, ses yeux s’écarquillèrent et ses quadriceps ne perdirent pas une seconde pour se mettre en mouvement. Pour dire les choses plus simplement, il avait eu très peur et il s’était enfui.

Enervé, vaguement inquiet et sûrement inquiétant je pris la sage décision de retourner chez moi pour prendre de l’aspirine. J’avais des idées bizarres, des souvenirs étranges et lointains qui ne semblaient pas m’appartenir. Bref, je devais tenir une sacrée biture.

Il n’y avait pas de lumière dans le couloir, mes chaussures étaient humides, j’avais froid aux pieds et les chats frôlaient les murs poisseux de mon immeuble. Le vent sifflait entre les cheminées, flirtait avec les antennes de télévision et chuintait dans ma superbe mansarde. J’ouvrais la porte en sapin massif et j’allumais négligemment le plafonnier en pensant à ma voiture que j’avais oubliée à côté du lycée. Je refermais quand même la porte de mon appartement car j’étais pressé de fuir la ville et de goûter à un repos que je n’avais peut-être pas mérité. Mon premier geste une fois déshabillé fut aussi le dernier en ce bas monde. La chaîne du voisin se mit à hurler « Body Music » pour accompagner mon trépas.

Strikers

Que voulez-vous faire, quand en regardant dans le miroir, vous vous apercevez que vous possédez (dans l’ordre) : un pantalon de velours marron élimé, une cravate grise, une casquette défraîchie, des antennes multidirectionnelles sur la tête et une queue dorsale énorme qui aurait séduit à coup sûr un tyrannosaure femelle.

Si vous savez quoi faire, ça me fait une belle jambe, maintenant que je galère au Purgatoire !

Salut quand même.

Icare Cherchetrouve.

FIN