Petite balade dans l’histoire de FranceBalade histoire de france 1 visage angles

Cette petite balade subjective sans prétention dans l’histoire contemporaine de notre pays est l’occasion d’inviter à la découverte ou à la redécouverte d’ouvrages d’auteurs marxistes ou progressistes (1). En dehors de tout esprit de chapelle, seront également brièvement présentés des livres qui valent le détour…

 

Afin d’éviter tout malentendu lié à l’objet de cette petite présentation qui pourrait passer pour une quête identitaire douteuse, il semble nécessaire de préciser les contours de cette identité. Laissons la parole à Fernand Braudel qui en dessine si bien les contours : « qu’entendre par identité de la France ? Sinon une sorte de superlatif, sinon une problématique centrale, sinon une reprise en main de la France par elle-même, sinon le résultat vivant de ce que l’interminable passé a déposé patiemment par couches successives, comme le dépôt imperceptible de sédiments marins a créé, à force de durer, les puissantes assises de la croûte terrestre ? En somme un résidu, un amalgame, des additions, des mélanges ». (2)   

  

Balade histoire de france 2 jacques

Maintenant traversons « la France d’avant la France ». « La revendication de liberté semble aussi enracinée que l’aspiration nationale (…). Dès le XIe siècle se déroulent les luttes pour établir les franchises et les immunités communales.

 

Lors des deux siècles suivants, les paysans serfs imposent un développement de leur affranchissement au prix d’une résistance tenace aux seigneurs. Le même Moyen-âge verra artisans, boutiquiers, compagnons, intellectuels « faisant commune » contre les féodaux. Les humanistes (…), les encyclopédistes (…), apporteront à leur tour leur contribution à la formation d’un esprit critique et parfois frondeur, "une mentalité libertaire et libertine, la dérision à l’égard des corps constitués, de leur pompe et de leur scolastique, autant de traits qui marquent profondément la personnalité française" ». (3)

 

Balade histoire de france 3 allegorie republique

La nation moderne, que s’efforce de détruire depuis un quart de siècle environ le grand capital et leurs commis qui dirigent le pays, est fondée sur cet événement majeur que fut la Révolution française (4). La bourgeoisie ne peut s’imposer qu’avec l’appui décisif des masses populaires. La république est affirmée dans le cadre d’un Etat unitaire. La souveraineté incarnée par le roi appartient désormais au peuple. Les privilèges féodaux sont abolis.

 

Mais la Révolution est combattue à l’intérieur du territoire et aux frontières. La « naissance du citoyen », la victoire de Valmy puis les mesures énergiques prises par le Comité de Salut public permettent de mettre en échec les insurrections intérieures et les ingérences des puissances étrangères.

 

Le prolétariat n’est pas encore constitué et la paysannerie est la classe la plus nombreuse. Ces conditions ne sont pas favorables pour les partisans de l’égalité réelle comme Gracchus Babeuf (5) ou François Boissel qui sont très peu écoutés. La chute de Robespierre, de Saint Just et de leurs compagnons va empêcher durablement l’émancipation du peuple. La bourgeoisie montante va avoir pour de longues années la mainmise sur le pays.

 

Balade histoire de france 4 affiche communeCelle-ci va moderniser et industrialiser le pays sans se soucier du sort des ouvriers et de leur famille. Victimes de cette exploitation à grande échelle, une partie du peuple, exaspéré, va parfois rencontrer et agir avec les militants radicaux et les républicains. Ces luttes, même si elles achoppent sur la question sociale, participent à la construction d’une mémoire ouvrière, à l’écriture de la geste républicaine. Les « Trois Glorieuses » de juillet 1830 semblent avoir été un coup pour rien car elles permettent à un roi de succéder à un autre, toutefois elles obligent celui-ci à s’inscrire dans le cadre national. La Révolution de 1848 accouche de la Deuxième République et annonce le Printemps des peuples… Tout au long du XIXe siècle et surtout sous le Second Empire, malgré la répression, le mouvement ouvrier s’organise : des sociétés de secours mutuels, des bourses du travail, des syndicats, etc. sont créés.

La Commune de Paris est une insurrection patriotique et sociale du peuple de la capitale entre mars et mai 1871 (6) (7) (8). Cette révolte, née du rejet du gouvernement de « démission nationale », permet pour la première fois l’élection d’un gouvernement ouvrier. Les communards, partis « à l’assaut du ciel », prennent des mesures progressistes (séparation de l’Eglise et de l’Etat, amélioration des conditions de travail, promotion de la femme, etc.) mais ils se heurtent à l’indifférence du monde rural et aux armées versaillaises qui écrasent la Commune avec la complicité des Prussiens. Si la répression sanglante affaiblit le mouvement ouvrier elle ne peut empêcher les idées de la Commune de se répandre dans le peuple.

 

Le monde du travail, petit à petit, construit ses organisations propres. Ainsi la Confédération générale du travail est fondée en 1895. En 1905, les socialistes se réunissent dans la SFIO, les marxistes(9) rejoignent cette formation. Sur le plan des idées, la bourgeoisie récupère certains principes énoncés par les républicains les plus radicaux et les révolutionnaires (laïcité et gratuité de l’enseignement, séparation de l’Eglise et de l’Etat, etc.), en grande partie en fonction des rapports de force en son sein et pour tenir compte de l’évolution du mode de production.

 L’affrontement entre impérialismes aboutit à la Première Guerre mondiale ou plutôt européenne. L’Europe sort du conflit durablement affaiblie de ce carnage industriel. C’est en réaction à cette hécatombe et en soutien à la jeune révolution bolchévique de 1917 que les éléments les plus conscients de la SFIO fondent lors du Congrès de Tours en 1920 (10), un parti de type nouveau, le parti communiste (9), qui adhère à la IIIe Internationale.

Le jeune parti, malgré sa faiblesse relative, prend des positions courageuses contre le colonialisme (ex. : guerre du Rif) ou pour le respect de l’Allemagne (ex. refus de l’occupation de la Ruhr) et marque des points dans l’opinion et participe à la « conscientisation » des travailleurs.

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En dépit de quelques errements gauchistes, c’est sur cette estime que s’appuie la direction thorézienne (11) pour réconcilier le monde du travail et la Nation, pour marier le drapeau rouge et le drapeau tricolore. Alors que la crise capitaliste facilite l’installation du fascisme en Italie puis en Allemagne et l’écrasement de la République espagnole, en France, la stratégie du PCF permet la victoire du Front populaire en 1936. Le PCF soutient le gouvernement de gauche sans y participer. Les ouvriers se mettent en grève, occupent les entreprises et obligent le nouveau pouvoir à prendre de nombreuses mesures progressistes. Les accords de Matignon comprennent, entre autres, des augmentations de salaire, le droit syndical dans l'entreprise, les conventions collectives, les congés payés.

Dès la fin de l’année 1936, le gouvernement se heurte au « mur de l’Argent » : la bourgeoisie reprend la main. Les capitalistes, ulcérés par les « privilèges » accordés à la « canaille » sont partisans d’une politique sociale réactionnaire et de répression des communistes en particulier et plus généralement de la mise à l’index des partisans la « gueuse » (la République).

Ces vœux seront pleiBalade histoire de france 6 mineurs 1941nement exaucés le 10 juillet 1940, une majorité de parlementaires de la IIIe République prennent acte de la mort de celle-ci en votant les pleins pouvoirs au maréchal Pétain. La collaboration avec l’occupant allemand va être pratiquée et encouragée par l’Etat français, le pays va littéralement être pillé par l’envahisseur, la répression anticommuniste va être confirmée entraînant également la chasse au démocrate, l’antisémitisme va être officialisé.

Mais une partie de plus en plus importante du peuple français refusent de devenir « un peuple d’esclaves ». Ces Français, qu’ils viennent d’ici ou d’ailleurs, s’engagent, chacun à leur manière, sur le chemin de la Résistance nationale (12). Le Parti communiste français, en dépit de la répression dont il faisait déjà l’objet, s’implique dès 1940. Il reconstitue une organisation. Après quelques faux pas bien compréhensible au regard de ses possibilité de fonctionnement et du caractère inédit du conflit, il condamne l’agresseur nazi et ses zélateurs locaux. Dans les premiers temps de l’occupation, le Parti poursuit l’agit-prop, soutient les revendications des travailleurs et des ménagères. Bientôt, les premiers sabotages sont effectués (13).

Après l’invasion en juin 1941 de l’URSS, principal point de résistance au fascisme, les actes de Balade histoire de france 7 l humanite liberationrésistance des communistes redoublent d’intensité. Rejetant l’attentisme longtemps prôné par le général de Gaulle, les communistes pratiquent la lutte armée contre l’occupant tout en recherchant l’unité avec les autres organisations de la Résistance. Le prix payé par les communistes dans les combats de la Résistance est tel que le PCF pourra, à la Libération se qualifier de « parti des fusillés », sans être contredit, Les historiens de tous les horizons ont, avec la distance nécessaire à leur matière de prédilection, dégonfler les exagérations de la propagande, mais, dans le même temps, ils ont confirmé la combativité et parfois l’héroïsme des militants communistes, du plus modeste des militants à Jacques Duclos (14), dirigeant clandestin du parti durant toute l’occupation.

La classe ouvrière « resté fidèle à la Nation profanée », et les résistants qui ont libéré Paris et plusieurs localités ont sauvé l’honneur de la France. Le poids du Parti communiste français à l’intérieur d’une part et le prestige acquis par l’Union soviétique et Staline à l’étranger d’autre part permettent à tous les Français de bonne volonté d’effacer « l’étrange défaite », de reconstruire le pays et de lui rendre les moyens de son universalisme humaniste.

Ce côté lumineux a malheureusement été terni par la longue agonie de l’empire colonial français ; des massacres de Madagascar aux « évènements d’Algérie » en passant par la guerre d’Indochine, beaucoup d’occasions d’établir des relations fraternelles et respectueuses avec les peuples dont il avait la tutelle ont été manquées.

Si, paradoxalement, la réaction profitait de cette situation pour revenir sur les acquis de la Libération, l’esprit de la Résistance inspirait les grandes décisions en matière d’indépendance nationale sur lesquels les communistes et les gaullistes pouvaient se retrouver (retrait du commandement intégré de l’Otan par exemple).

L’évolution de la société et la modification des mœurs furent les éléments déclencheurs du grand mouvement de mai-juin 1968 (15). Le PCF et la CGT surent tirer parti de celui-ci en le plaçant sur le terrain social et politique : les accords de Grenelle entérinèrent une hausse conséquente des salaires et rendirent possible la création des sections syndicales d’entreprise. Mais, pour répondre aux changements économiques et sociétaux (essor de la société de consommation, influence grandissante du modèle américain au niveau capitalistique, politique et culturel, etc.), la bourgeoisie française s’affranchit peu à peu du gaullisme et de sa vision nationale et traditionnelle de la société. La disparition du général de Gaulle et la perte de substance de son mouvement, les prémices de l’affaiblissement du Parti communiste, les crises pétrolières ainsi que le retour des idées libérales et libre-échangistes trouvent leur traduction dans les réorientations stratégiques nationales en France sous le septennat de Giscard d’Estaing (institution d’un système monétaire européen, liberté de contraception, désengagement économique de l’Etat, lois sécuritaires, etc.).

Balade histoire de france 8 rien n est trop beauL’usure de la droite quelle que soit son obédience, la stratégie d’union de la gauche habilement exploitée par Mitterrand amène, en 1981, la victoire de celui-ci et envoie une majorité socialiste à l’Assemblée. Malheureusement, encore une fois la politique de gauche fera long feu. Après quelques mesures sociales ou symboliques le tournant de la rigueur est pris dès 1983. Le gouvernement « de gauche » avec ou sans les ministres du PCF (qui partent en 1984), accompagne notamment la destruction d’importants secteurs industriels programmée par la Communauté européenne. Après deux septennats Mitterrand laisse un bilan au lourd passif : politique antisociale, destruction du potentiel industriel, promotion du secteur privé, abandons de souveraineté, etc.

L’après Mitterrand confirmera et accélérera cette politique de déclin.

Il suffit de prendre un exemple pour illustrer cette continuité en matière de politique « sociale » : la part des salaires dans le PIB français a fortement diminué depuis des décennies.

Les gouvernements successifs vont démanteler des secteurs entiers toujours sous l’œil attentif de Bruxelles. Vont passer à la trappe les industries « traditionnelles », « en déclin » comme le charbon ou la sidérurgie, vont disparaitre des filières manufacturières comme celle du jouet, les ambitions en matières de nouvelles technologies vont être revues à la baisse, l’agriculture, immolée sur l’autel de la PAC et du libre-échangisme va rendre la main aux Etats-Unis d’Amérique et favoriser la monoculture dans les pays du Sud, enfin les quelques domaines où notre pays a conservé ses positions, comme dans l’énergie nucléaire ou l’aéronautique,  sont « partagés » principalement avec l’impérialisme allemand.

Ces assauts contre notre pays par ses propres dirigeants n’ont été possible que grâce à l’adhésion des responsables politiques à l’européisme et à la marginalisation des idées de changement de société portées principalement par le Parti communiste français. Le bipartisme est la forme qu’a prise ce consensus sur le modèle capitaliste fédéraliste.

Balade histoire de france 9 souverainistes

Cette démission a aussi des répercussions en matière de politique extérieure : réintégration progressive dans le camp atlantiste, transfert de souveraineté à l’Union européenne, quasi-abandon des maigres crédits alloués à la véritable coopération et à la francophonie.

 

La France est une construction essentiellement politique, elle est donc fragile. De nombreux épisodes de notre histoire illustre cette permanence. Le peuple français saura-t-il inverser la tendance à l’effacement de la Nation ? Saura-t-il réinventer son identité ?

La réponse est positive si dans un premier temps tous les patriotes savent s’unir par delà les clivages et si par la suite notre pays s’engage sur la voie du socialisme, seul système capable de rétablir l’harmonie entre la Nation et le monde !

 

Sources

(1)                           Histoire de la France contemporaine, ouvrage collectif, éditions sociales.

(2)                           L’identité de la France, Fernand Braudel, Flammarion.

(3)                           Les Nations à la une, pour de nouvelles coopérations, Antoine Casanova, Gérard Streiff, éditions sociales.

(4)                           Histoire de la Révolution française, Albert Soboul, éditions sociales.

(5)                           Conspiration pour l'égalité dite de Babeuf, Philippe Buonarotti, éditions sociales.

(6)                           Histoire de la Commune, Prosper-Olivier Lissagaray, éd. La Découverte.

(7)                           A l'assaut du ciel, Jacques Duclos, éditions sociales.

(8)                           La guerre civile en France 1871, Karl Marx, éditions sociales.

(9)                           Jules Guesde, l'apôtre et la Loi, Claude Willard, éditions ouvrières.

(10)                      1920, Le Congrès de Tours, ouvrage collectif, éditions sociales.

(11)                      Maurice Thorez : 1900-1964, le fondateur: Pierre Durand

(12)                      Chroniques de la Résistance, Alain Guérin, éd. Omnibus.

(13)                      Les bataillons de la jeunesse, Albert Ouzoulias, éditions sociales.

(14)                      Mémoires, Jacques Duclos, éditions Fayard.

(15)                      Mai 68, Roger Martelli, Messidor / éditions sociales.

 

 

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